La Fraternité, troisième valeur républicaine de notre devise a pris une dimension constitutionnelle jurisprudentielle par la décision du 6 juillet 2018 du Conseil constitutionnel. Le cadre de cette décision est une question prioritaire de constitutionnalité relatives à l’aide portée aux migrants en lien avec les articles L. 622-1 et L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Le texte du Conseil constitutionnel - Décision 2018-717/718 QPC
L’apparition dans les textes fondamentaux de la valeur de Fraternité
La Constitution de 1791 (lien) dans son titre premier - Dispositions fondamentales garanties par la Constitution mentionne « Il sera établi des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution française, entretenir la fraternité́ entre les citoyens, et les attacher à la Constitution, à la Patrie et aux lois. » Cette valeur a une dimension collective en lien avec les droits nouveaux de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
La Constitution de 1848 (lien), constitution de la IIème République dans son préambule, la fraternité apparait comme principe et dans une dimension de solidarité (alinéas 4, 8 et 9).
Elle affirme pour la première fois alinéa IV « Elle a pour principe la Liberté, l'Egalite et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public. » et dans l’alinéa VIII que « Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l'État en proportion de leur fortune ; […] ; ils doivent concourir au bien-être commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres, […]. ». Enfin, dans l’alinéa IX « La République doit protéger le citoyen […] ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler. […] ».
La constitution de 1958, constitution de la Vème République dans son préambule « En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique » (reprise pour la IVème République de 1946) et affirme dans son article 2 que « La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité" ». Enfin, dans son article 72-3 : « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité. »
La formalisation de la reconnaissance de la fraternité comme principe constitutionnel.
Dans son attendu 7, aux termes de l'article 2 de la Constitution : « La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité" ». La Constitution se réfère également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l'« idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité ». Il en ressort que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle.
Dans son attendu 8, il découle du principe de fraternité la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national.
Le fondement de la reconnaissance jurisprudentielle du principe de fraternité
La reconnaissance jurisprudentielle s’appuie un triple ancrage constitutionnel du principe de fraternité. Voir les trois références dans la Constitution de la Vème République, nommées plus haut (préambule, article 2, article 72-3).
Ce principe aurait deux faces :
- l’une, de dimension collective, fondée sur l’exigence de solidarité́ ;
- l’autre, de dimension individuelle (ou plus précisément interindividuelle), fondée sur l’exigence de tolérance à l’égard, par exemple, des formes d’entraide apportées à des personnes en détresse en dépit de leur caractère délictueux. Là le Conseil constitutionnel dissocie l’aide au séjour irrégulier de l’aide à l’entrée irrégulière : « l’aide apportée à l’étranger pour sa circulation n’a pas nécessairement pour conséquence, à la différence de celle apportée à son entrée, de faire naître une situation illicite ». Ainsi, l’aide au séjour d’un étranger motivée par un but humanitaire, de personne à personne ne peut être réprimée. Par contre, l’aide à l’entrée irrégulière demeure passible de sanction car qui elle va créer une situation illicite.
L’appréhension du principe de fraternité est donc similaire à celle des principes de liberté et d’égalité.
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