Dans un ouvrage intitulé « jusqu’où faut-il être tolérant ? Traité de coexistence dans un mondé déchiré » paru en septembre 2016, Yves-Charles Zarka affirme que dans un monde où le commun n’existe plus, où l’on se pense par la négation de l’autre, la tolérance est nécessaire. Elle permettrait d’accéder, de rétablir une coexistence entre les groupes, les communautés.
En France, le projet laïque place la République à l’abri des pressions religieuses et cléricales. Toutes les croyances peuvent s’exprimer dans le respect de l’ordre public. L’État permet de se rassembler en tant que société d’individus tout en respectant la diversité de chacun dans une société d’individus qui n’ont pas obligation à se ressembler.
Laïcité et tolérance, deux valeurs, notions, concepts que l’on manie mais qui ne s’adressent pas aux mêmes personnes ou qui ne se comprennent pas de la même manière. La tolérance, comme valeur, s’applique à un individu, à un groupe d’individus ou à un État. Il s’agit à la fois d’une vertu personnelle et d’une notion politique pragmatique qui se manifeste dans l’écart entre la portée de la norme et la portée de l’exercice de celle-ci. La laïcité, valeur et principe, est également à concevoir dans plusieurs dimensions ou acceptations. Chacun des termes se voit associé à des compréhensions ou acceptations qui en modifient le sens : tolérance se trouve confondu en compromis ou même compromission ; laïcité est interprétée comme excluante, voire comme un rejet d’une partie de la population. Ces significations impliquent alors un éloignement, voire un abandon, des valeurs d’origine.
Cela appelle à interroger le sens commun, et le sens du commun. Si l’on appréhende le commun comme ce qui est partagé et souhaitable par tous, donc comme un état de fait et un projet de contrat social renouvelé, la tolérance n’en est-elle pas la matrice permanente ? Ce questionnement ne doit pas se limiter aux seuls principes, mais aussi à leurs concrétisations quotidiennes, notamment dans la vie des établissements scolaires. La compréhension de la tolérance et de son exercice, notamment corrélée au projet laïque républicain, apparaît toujours plus comme un préalable de justice et d’égalité, pierre première d’une adhésion à un commun renouvelé.
La tolérance une vertu : approche diachronique d’une notion et de sa construction politique
Tolérance et laïcité, entre histoire commune et séparation
Nicolas Piqué,Maître de conférences en philosophie - Université Grenoble Alpes
Dans les sociétés d’Ancien Régime la tolérance a été le lieu de revendication d’une coexistence des religions dans la société, les textes de Locke et de Voltaire sont, entre autres, là pour en témoigner. Mais, cette revendication trouve deux limites symptomatiques de la structure conceptuelle de la tolérance, lorsque Locke refuse la tolérance aux catholiques et aux athées et que Voltaire accepte de ne pas revendiquer l’égalité pour les protestants. La tolérance apparaît alors pour ce qu’elle est, une acceptation de l’inégalité entre individus, une permission accordée par le supérieur à l’inférieur.
D’où l’analyse de la singularité laïque, qui reconnaît l’égalité entre citoyens ; ce qui rend politiquement caduque la notion de tolérance. Son usage ne peut plus alors qu’être personnel et psychologique.
La laïcité va de pair avec la reconnaissance de l’égalité et de la neutralité. Pour autant cette neutralité est problématique, à la fois dans les faits et dans les principes.
Après avoir distingué neutralité religieuse et neutralité philosophique, j’analyserai la laïcité comme résultat d’une décision politique, révélatrice d’une conception proprement républicaine (et non libérale) des rapports entre individu-citoyen et collectif.
Autorités, ordre public et tolérance aux Provinces-Unies. La tolérance au cœur de l’organisation politique.
Andréas Nijenhuis-Bescher, chercheur ANR Lodocat - CRULH
À une époque marquée par les conflits confessionnels et la recherche de la pureté doctrinale, la jeune République des Provinces-Unies est caractérisée par une société pluriconfessionnelle. Devant l’impératif de maintenir la cohésion sociale et l’ordre public dans le contexte d’une longue guerre (la Révolte, 1568-1648), aux allures de guerre de religion, les autorités de cette République confédérale déploient une stratégie de tolérance religieuse. Cette intervention retrace les contours de la tolérance, au cœur de l’organisation politique du pays, notamment à travers l’exemple d’Amsterdam. Cette ville en perpétuelle croissance abrite de nombreux groupes religieux, donnant corps à une coexistence confessionnelle parfois difficile, mais néanmoins fonctionnelle.
Tolérance, dialogue dans l’école laïque
La laïcité à l’épreuve des faits dans les établissements publics, entre dialogue et tolérance
Alain Badets,formateur associé académie de Rouen sur la psychologie de l'adolescent, la gestion des tensions et des conflits et Régis Vivier, IA-IPR EVS académie de Grenoble.
Faire discuter les valeurs dans l’enseignement moral et civique pour permettre de les partager
Aider les enseignants à construire cet enseignement, créer des ressources pour accompagner les enseignants
Jérôme Grondeux,inspecteur général de l’éducation nationale – groupe histoire géographie et Nathalie Reveyaz, IA-IPR histoire et géographie, référente académique laïcité.
Conclusion de la journée
Kevin Sutton, géographe, maître de conférences Université Grenoble Alpes - UMR PACTE
Les fichiers audio et PDF ci-dessous donnent accès à l'ensemble des interventions.
Nicolas Piqué, Maître de conférences en philosophie - Université Grenoble Alpes
Andréas Nijenhuis-Bescher,chercheur ANR Lodocat - CRULH
Alain Badets, formateur associé académie de Rouen sur la psychologie de l'adolescent, la gestion des tensions et des conflits et Régis Vivier, IA-IPR EVS académie de Grenoble.
Jérôme Grondeux, inspecteur général de l’éducation nationale – groupe histoire géographie et Nathalie Reveyaz, IA-IPR histoire et géographie, référente académique laïcité.