Libertés publiques, libertés fondamentales et libertés individuelles

Libertés publiques :

Les libertés publiques concernent les hommes en tant que citoyens dans leurs rapports à l’État et la définition de leurs pouvoirs. Elles sont dites « publiques » parce qu’elles concernent le fonctionnement de l’État et encadrent son pouvoir et les conditions de son exercice.

Même si la liberté est, pour l’individu, le fait d’avoir le choix, de faire ce qu’il veut, en société et, plus encore, dans l’exercice de sa citoyenneté, elle est interaction et suppose le respect d’un certain nombre de règles communes. Les conditions de l’exercice des libertés sont liées aux conditions réciproques d’exercice de la liberté de tout autre (article 4 de la DDHC). Les libertés fondamentales définissent ce socle qui permet de mettre en cohérence les droits de chacun avec les droits d’autrui et surtout d’organiser un État susceptible de garantir à tous « la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l’oppression » (article 2 de la DDHC).

Les libertés publiques sont des libertés reconnues aux individus, encadrées et protégées par la loi, et garanties par l’État. La protection spécifique dont elles bénéficient existe même à l’égard des pouvoirs publics. Ainsi, le qualificatif public exprime l’opposabilité de cette liberté à la puissance publique notamment contre le pouvoir de l’administration. Les libertés publiques renvoient à la notion d’État de droit.

[…] La loi comme protection de l’individu s’affirme en France au XVIIIe siècle avec la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. L’article 4 reconnaît à la loi un rôle majeur puisqu’elle seule détermine les conditions d’exercice des libertés et en fixe les limites. La loi est clairement la première garantie des droits et libertés. C’est aussi l’article 34 de la Constitution de 1958 qui réserve au législateur la compétence pour proclamer l’existence de nouvelles libertés publiques.

On retrouve la valeur législative des libertés publiques. La loi est ainsi le vecteur de la consécration, de la protection, mais aussi de la limitation ou de la suspension des libertés.

Libertés fondamentales :

[…] Les libertés fondamentales constituent, pour le droit français, une évolution.

Elles sont inhérentes aux individus, reconnues comme une protection contre le législateur et contre la représentation nationale, et sont garanties au sein des États de droit et des démocraties. Elles sont reconnues et définies à partir de la Constitution, mais également des textes fondamentaux que sont la DDHC de 1789, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le préambule de la Constitution de 1946 permettant de déterminer les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR). La délimitation des libertés fondamentales est large (sûreté, libertés du corps, respect de la personnalité et de l’intimité, libertés d’opinion, de conscience, d’expression, religieuse et collectives). Ces libertés sont à la fois individuelles (liberté d’expression, d’opinion, de conscience, de circulation) et collectives (liberté de réunion, de manifestation, d’association, syndicale). Elles apparaissent proches des libertés publiques.

C’est seulement à partir de 1971 que le Conseil constitutionnel a reconnu certaines libertés comme fondamentales leur conférant une valeur constitutionnelle. Par cette reconnaissance, elles sont garanties par des textes qui occupent la première place dans la hiérarchie des normes et commandent l’ensemble des autres lois. […] 

De fait, dans sa décision de 1971, le Conseil constitutionnel proclamant que la liberté d’association constitue un PFRLR et appartient, alors, au bloc de constitutionnalité, il oppose ainsi à une disposition législative le préambule de la Constitution, déterminant des libertés fondamentales. Toutes les libertés publiques ne sont pas éligibles à cette qualification, les libertés fondamentales doivent constituer des droits. Dans les conditions nécessaires à leur reconnaissance comme PFRLR sont retenues : une règle suffisamment importante avec un degré suffisant de généralité qui intéresse des domaines essentiels pour la vie de la nation ; le principe doit trouver une base textuelle dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946.

Si le principe général veut que la liberté soit la règle et la restriction l’exception, des limitations possibles des libertés existent, elles sont liées aux valeurs et aux institutions dans lesquelles elles s’exercent (famille, entreprise, école...). Néanmoins ces limitations ne peuvent qu’être déterminées que par la loi. Sans distinguer liberté individuelle et liberté publique, l’article 5 de la DDHC indique que : « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ». Par conséquent, le rôle de la loi est central, car elle établit les limites pour que la vie en collectivité soit possible et veille au respect des valeurs républicaines lorsque celles-ci sont menacées. Les limitations des libertés sont déterminées au nom de l’ordre public. L’ordre public, entendu comme « le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique » et comme la garantie de la sécurité des personnes et des biens, permet la sauvegarde des libertés et des droits de valeur constitutionnelle. Son « cœur » apparaît être le principe de la « sûreté » garantie par la DDHC : il n’est pas de liberté possible dans une société où les individus craignent pour la sécurité de leur personne. L’ordre public n’est d’ailleurs mentionné qu’une seule fois dans nos textes constitutionnels, dans l’article 11 de cette même DDHC, « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». […]

Libertés individuelles :

Les libertés individuelles s’affirment en Europe à partir du XVIIe siècle. En Angleterre, l’Habeas corpus Act de 1679 défend ainsi une première liberté fondamentale, celle de ne pas pouvoir être emprisonné sans jugement. Ce texte fondateur promeut donc la liberté fondamentale de l’individu à disposer de son corps en tant que personne juridique face à l’arbitraire soupçonné ou potentiel d’un pouvoir ou d’un homme. En France, cette même liberté apparaît plus tardivement dans la DDHC de 1789 à l’article 7 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance » et à l’article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Influencés par le droit anglais comme par la révolution américaine et les philosophes des Lumières, les rédacteurs de la DDHC introduisent dans ce texte de nombreuses libertés individuelles fondamentales, également appelées droits naturels. Ces droits naturels sont attachés à chaque individu du fait de son appartenance à l’humanité et non du fait de la société dans laquelle il vit. Ces droits sont inaliénables, inviolables, imprescriptibles, universels et indépendants de toute convention. Sorte de code moral, ils regroupent le droit à la vie, à la santé, le droit à la liberté, comme le droit de propriété. […] Les libertés individuelles sont définies par la DDHC et ont été ensuite reprises dans la DUDH de 1948 et dans le préambule de la Constitution de 1958. Ces trois textes soumettent néanmoins toujours les libertés individuelles à la Loi : celle-ci est la base de l’expression publique de l’ensemble des libertés individuelles. 

Si l’on considère le singulier, en tant que telle, la liberté individuelle n’est définie de manière précise par aucun texte en France. La Convention européenne des droits de l’homme évoque dans l’article 5§1 la liberté individuelle : “toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants et selon les voies légales...”. La Constitution de 1958 est tout aussi allusive sans la définir, la liberté individuelle en tant que telle est dans le texte à l’article 66 “Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi”. Ainsi, la liberté individuelle s’identifie à l’interdiction de détention arbitraire ; ou si on s’attache au second alinéa, la liberté individuelle pourra être entendue de manière beaucoup plus large et on pourra y inclure d’autres éléments. D’ailleurs, au gré de la jurisprudence, le Conseil constitutionnel a adopté une conception large de la liberté individuelle, il a pu y rattacher de manière certaine : la sûreté, la liberté d’aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale, l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée avec notamment le droit à la protection des données informatiques.

Source : d’après fiche Eduscol EMC – classe de Première « DES LIBERTÉS POUR LA LIBERTÉ » https://eduscol.education.fr/document/23716/download


Voir aussi l’article Etat de droit